À l’Oeil Nu, À voix haute

Le projet À l’Œil Nu, À voix haute s’appuie sur un texte publié par Alice Roland aux éditions P.O.L en octobre 2014 : À l’Œil Nu, une fiction qui se présente comme un recueil de témoignages. Différentes strip-teaseuses y racontent à la première personne un pan de leur expérience dans le lieu où elles ont exercé cette activité (un sex-show nommé « À l’Œil Nu »).

La lecture présentée est singulière dans la mesure où Alice Roland et Gaspard Delanoë lisent des extraits de ce texte ensemble. Ensemble, c’est-à-dire dans le même souffle, le même rythme, les mêmes intonations, la même gestuelle, littéralement à l’unisson. C’est donc un travail mélodique, proche du chant mais à partir de la parole, qui est donné à entendre. Les textes à la première personne, signés de femmes pas toujours sûres de l’être, ou jouant à l’être, sont dits par deux voix aux timbres plus ou moins graves, introduisant une dimension de doute supplémentaire dans l’identité mouvante des strip-teaseuses héroïnes d’À l’Œil Nu.

De plus, il ne s’agit pas d’une lecture immobile, à la table, mais d’une occupation de l’espace par les corps autant que par les voix.
L’espace des protagonistes d’À l’Œil Nu est celui d’un sex-show, à la fois mystérieux pour les novices, familier pour les habitués, mais toujours excitant pour tous, c’est un espace qui implique les corps ; l’espace du livre est celui de la distance, de la réflexion sur un métier et sur des pratiques sexuelles et professionnelles, un espace qui explique les corps (ou du moins ne cesse de recommencer l’explication, les corps se dérobant toujours), les extrait pour mieux en observer la vie.
Quelle occupation de l’espace scénique peut alors faire écho à ces deux espaces premiers, celui du sex-show et celui de l’écriture ? Quel autre espace la lecture peut-elle déployer – ou resserrer – après ce double mouvement d’implication des corps puis de leur explication infnie ? Le mouvement n’est plus celui de l’implication ni de l’explication, mais au moins de la duplication : deux corps partageant une même lecture, se redoublant l’un l’autre, faisant exercice de ressemblance.
Quelle nouvelle fiction adviendra si l’on augmente À l’Œil Nu, fiction sur des corps, d’autres corps sur un autre plan – ceux de la performance ?

Photo de couverture : À l’oeil nu, À voix haute ©Danielle Voirin