Extrait du texte de Lorenzo Recio
L’eau, dans la salle des machines, avait atteint un niveau assez désagréable. Le ventre du bateau s’emplissait d’animaux marins, d’algues et de requins.
Les squales, tapis dans un coin, nous observaient avec convoitise. Un jeune requin blanc emporta le grand Maurice dans sa mâchoire. Tout occupé à débloquer les pistons je ne pouvais lui signifier un dernier adieu.
Puis ce fut au tour de Driss, ce tendre jeune homme. L’eau envahissait l’agonisante machine, déversant fumée, flammes et étincelles. La belle et légère voix de Driss produisit un petit « coin-coin » de peine, un requin marteau le mangeait.
À présent ils étaient un certain nombre à m’observer, ils semblaient bien s’amuser. L’eau rougissante, l’huile et le pétrole, au sang mêlés, me baignaient jusqu’aux épaules, je m’y sentais bien, comme dans un tiède placenta… Je n’allais pas tarder à être dévoré.
Un requin bleu me mordit l’orteil, je basculais dans les machines. Un piston se remit soudainement en marche et me sectionna très proprement au niveau du cou, décollant ainsi ma tête de mon corps. Tandis que ma tête roulait entre les pistons, mon corps s’écroulait et, flottant, par la déchirure au flanc du bateau, s’extrayait du navire malade.
Des courants marins m’éloignèrent du cargo. Mon bateau, « LE VALDIVIA », au large de Sumatra, s’enfonçait dans des eaux électriques, emportant en son ventre… ma tête !